Deux Vaudoises mettent en garde les magistrats des municipalités genevoises.

Quarante-quatre millions. C’est la somme que le Conseil d’État veut ponctionner aux communes en 2021 par le biais du projet de loi dit écrêtage, actuellement étudié par les députés. Ce montant est exigé comme participation à la facture sociale. Aujourd’hui, ces frais sont intégralement assumés par le Canton. Avec cette nouvelle participation, le gouvernement espère réduire l’effet ciseau – l’augmentation plus rapide des charges que des revenus – lié à ces dépenses qui creusent sa dette.

Genève n’est pas le premier canton à penser à reporter une partie des charges sur les communes pour assainir ses finances cantonales. Plombé par une dette comparable au début des années 2000, Vaud, dont on loue aujourd’hui la bonne santé financière, a eu recours à la même stratégie. Dans d’autres proportions et avec des conséquences non négligeables.

Plusieurs communes vaudoises rencontrent actuellement des difficultés financières. La présidente de l’Union des communes vaudoises (UCV), Claudine Wyssa, et l’ancienne présidente de l’association des communes vaudoises (ACV), Joséphine Byrne Garelli, mettent en garde les Exécutifs des municipalités genevoises sur les risques d’un tel report de charges.

Que vous inspire la situation genevoise?

Claudine Wyssa: Malgré leur proximité, les cantons de Genève et Vaud paraissent à bien des égards parfois très éloignés. Mais quand je suis les débats genevois sur la répartition des charges entre l’État et les communes, je vois beaucoup de similitudes sur les difficultés à faire fonctionner nos collectivités.

Que souhaiteriez-vous dire aux magistrats communaux genevois?

C.W.: De ne pas accepter n’importe quoi. Il peut être nécessaire d’aider le Canton à un moment donné, mais il faut au minimum préciser un montant maximal et la durée de cette aide.

J.B.G.: Si les communes genevoises décident d’entrer en matière sur une participation à la facture sociale, elles doivent également obtenir des compétences dans ce domaine, afin d’avoir un poids dans les décisions sur les montants engagés.

Quelle est la situation des communes vaudoises aujourd’hui?

J.B.G.: Elles cumulent un déficit d’investissement de l’ordre de 110 à 140 millions de francs par an. Les infrastructures et les services aux citoyens ne sont par conséquent pas partout développés comme ils devraient l’être.

Comment en est-on arrivé là?

C.W.: Longtemps, les communes vaudoises assumaient 33% de la facture sociale. En 2004, pour assainir la dette du canton, le Grand Conseil a décidé d’augmenter progressivement cette participation à 50%. Or, entre 2004 et 2020, la facture sociale a été multipliée par presque 4! Les communes n’arrivent plus à payer aujourd’hui. Certaines ont dû augmenter leurs impôts, d’autres aimeraient, mais leur population a refusé. De son côté, le Canton affiche des finances saines depuis une dizaine d’années. Cette situation n’est pas normale.

Un accord pour un rééquilibrage financier entre le Canton et les communes a finalement été trouvé.

C.W.: Tout le monde s’accordait sur le fait qu’il fallait revoir cette répartition. Les deux parties viennent de s’entendre une participation des communes à la facture sociale à 36,7%. La transition se fera progressivement jusqu’à 2028, où elle deviendra pérenne.J.B.G.: Cet accord est une bonne nouvelle. Mais son entrée en vigueur est trop progressive. Durant ces huit prochaines années, la situation risque encore de se détériorer pour les communes avec les pertes liées au Covid-19 et l’augmentation constante de la facture sociale.

Une participation de 36,7%, c’est donc presque un retour à la situation d’avant 2004.

C.W.: Oui. Cette proportion correspond quasi à la part d’impôts globaux versés aux communes vaudoises. Le Canton reçoit deux tiers de cette manne et les communes en récupèrent un.

Le transfert de charges s’était-il accompagné d’un transfert de compétences en 2004?

C.W.: Non, pas de transfert de compétences, ni dans un sens ni dans l’autre.

Quelles sont les prestations offertes aujourd’hui par les communes dans le domaine social?

C.W.: Les communes vaudoises s’occupent exclusivement des prestations très locales comme l’aide directe à des personnes, des conseils, les soutiens non imposés par une loi cantonale, les animations, l’intégration, le troisième âge, les travailleurs sociaux de proximité, etc. Toutes les politiques sociales définies dans des lois sont cantonales.

Comment les mairies s’organisent-elles pour assumer ces tâches?

C.W.: Les grandes communes s’organisent elles-mêmes. Pour les autres, c’est surtout régional.

Ce système vous convient-il?

J.B.G.: Pas totalement. La facture sociale augmente de façon fulgurante et les communes n’ont actuellement aucun moyen d’agir sur les sommes allouées à ces prestations. Elles peuvent s’opposer à certaines dépenses, mais cela n’a pas de pouvoir contraignant.

Source: https://www.tdg.ch/les-communes-ne-doivent-pas-tout-accepter