En contact direct avec leurs concitoyens, les élus locaux sont au front dans la gestion de la crise. Leur engagement et les élans de solidarité peinent néanmoins à masquer l’inquiétude grandissante autour des graves conséquences, notamment financières, de cette période de confinement sur les communes

Contacts avec leurs aînés, gestion des déchets, accueil de la petite enfance, soutien financier aux petits commerces… Depuis le début de l’épidémie, les autorités communales sont quotidiennement au front. «Le confinement donne la fausse impression que tout s’est arrêté, car nous travaillons d’arrache-pied, beaucoup de choses se font en sous-marin», image Stéphane Babey, maire de la commune jurassienne d’Alle et président des maires d’Ajoie. Il a bien sûr fallu rapidement prendre contact avec les personnes âgées ou organiser le télétravail des employés de l’administration, mais une foule de questions se sont posées, parfois inattendues. «On s’est même demandé si, au cas où notre collectivité devait connaître plusieurs décès, nous pourrions gérer au niveau du cimetière», poursuit Stéphane Babey.

Les communes sont également en première ligne pour répondre aux nombreuses questions des citoyens. «En une semaine, nous avons reçu plus de 500 téléphones», confirme Claudine Wyssa, syndique de Bussigny, dans l’Ouest lausannois. Ils concernaient tant de la demande de livraisons de repas à des aînés que des questions de particuliers sur les conditions de parcage ou de déménagement. «Il s’agit souvent de petites choses du quotidien, précise l’élue, comme des parents qui n’ont pas d’imprimante pour les fiches reçues de l’école par e-mail. Dans ce cas particulier, nous avons trouvé une solution avec une entreprise d’impression qui s’en est chargée.»

De nombreux bénévoles

Présidente depuis 2011 de l’Union des communes vaudoises (UCV), Claudine Wyssa reçoit de nombreux retours des quatre coins de son canton: «Je suis impressionnée par la solidarité qui s’est manifestée et les nombreux bénévoles qui se sont spontanément mis à disposition.» Un constat que l’on retrouve un peu partout en Suisse romande. Un exemple parmi tant d’autres: Bovernier, village de 900 âmes perché au-dessus de Martigny, où les mesures se sont rapidement mises en route. «Nous avons appelé un à un les 110 foyers qui comptent au moins une personne âgée de plus de 65 ans, explique le vice-président de commune, Gaël Bourgeois, chargé des affaires sociales. Nous avons évalué leurs besoins, leur avons rappelé les recommandations de l’OFSP et organisé la livraison des repas et des médicaments. Grâce notamment à l’appui des membres de la société de jeunesse, j’ai aujourd’hui plus de bénévoles à disposition que de besoins.»

Pour la députée vaudoise Laurence Cretegny, syndique de Bussy-Chardonney, village de 400 habitants de la région morgienne, les petites communes ont une structure flexible, adéquate pour gérer ce genre de crise: «Les élus locaux, nous avons l’habitude d’être sur le terrain; aller remplacer à la déchetterie fait partie de notre quotidien.» Alors quand il a fallu distribuer rapidement un tout-ménage d’informations sur le coronavirus, ce sont les municipaux qui ont effectué la tournée des boîtes aux lettres. Des élus aussi sur le terrain lorsqu’il s’est agi d’éviter les rassemblements sur la place de jeu.

Nouvelles manières de travailler

Reste qu’il a fallu s’adapter à de nouvelles manières de travailler dans des villages où, habituellement, chaque problème se règle autour d’une table. «Nous avons dû nous approprier de nouveaux outils informatiques, se mettre à la page d’internet, faire circuler les documents par e-mail, relève encore Laurence Cretegny. Cela a demandé un certain effort.» Mais pour la syndique, l’implication la plus forte de cette épidémie est sans conteste émotionnelle, en particulier dans ces petites communautés où tout le monde se connaît: «Nous avons soutenu deux habitants du village qui ont chacun perdu un parent à cause du coronavirus. Cet accompagnement a été particulièrement prenant.»

Ce travail des élus locaux est notamment salué par le conseiller d’Etat fribourgeois Didier Castella, chargé des institutions. Lors d’une récente conférence de presse, l’élu a qualifié cet engagement d’«exemplaire»: «Pour notre système, cette crise n’a pas marqué un repli, mais bien un retour du politique, en particulier dans les communes.» Lui-même ancien vice-syndic de la commune de Gruyères, il a rappelé que les élus locaux faisaient front alors qu’ils «sont des miliciens et qu’ils doivent en parallèle gérer leurs propres difficultés dans leur vie professionnelle et familiale».

Vie villageoise au point mort

Au-delà des louanges, il demeure de nombreuses craintes. La vie villageoise, les associations, les traditionnelles soirées de gym, les habituelles kermesses, les cafés, tout est au point mort… «A la fin du confinement, il faudra que chacun joue le jeu», plaide ainsi Laurence Cretegny. Aujourd’hui, beaucoup de communes ont déjà fait des gestes financiers, en renonçant, entre autres mesures, à l’encaissement de loyers.

L’Association suisse des communes (ACS) a appelé à réaliser rapidement les travaux prévus dans les villages, afin de donner un peu d’air aux entreprises locales. «Nous avons avancé de l’argent aux commerçants et artisans, afin de leur permettre de passer le mois, dans l’attente d’autres aides», note du côté de l’Ajoie Stéphane Babey, très inquiet pour l’avenir: «A terme, nos rentrées fiscales vont s’effondrer.» Le maire jurassien espère qu’alors, à leur tour, les communes seront aidées.

Source: https://www.letemps.ch/suisse/communes-premiere-ligne-pandemie